Hubert Falco

Ancien Maire de Toulon
Ancien Président de Toulon Provence Méditerranée
Ancien Ministre

A Chalucet, inauguration de la salle municipale Sœur André

Nous étions réunis cet après-midi dans la salle municipale d’exposition située dans l’ancienne chapelle désacralisée de Chalucet pour inaugurer sa nouvelle appellation en « Salle Sœur André ».

A chaque fois que j’entre dans cette salle, dans cette ancienne chapelle, je ressens un sentiment d’apaisement, de sérénité et de calme. Lorsque je rendais visite à Sœur André, sa présence me procurait cette même sensation de paix, de calme.

Aussi après la disparition de Sœur André le 17 janvier dernier, lorsqu’il s’est agi de graver son nom dans l’histoire de Toulon, il m’est apparu comme une évidence de nommer cette salle, Sœur André.

Je sais qu’elle aurait aimé cet endroit et qu’elle aurait compris le lien que je fais entre la belle personne qu’elle était et ce lieu qui, même désacralisé, restent imprégné de son histoire.

Pendant presque 4 siècles, la chapelle des hospices de Chalucet a accompagné, soutenu tant de malades, tant de souffrance. Elle a été témoin de tant de chagrins, tant de drames, elle a insufflé tant d’espoir, tant de courage qu’elle a force de symbole.

Même si aujourd’hui, tout le monde connait l’Histoire du quartier de Chalucet, je vais rappeler en quelques mots ses origines.

En 1678, un petit hospice pour indigents fut construit sur ce site, selon les dernières volontés de l’abbé Jean de Gautier, homme de grand cœur. L’établissement pouvait accueillir une trentaine de personnes.

En 1694, Monseigneur Bonnin de Chalucet, évêque de Toulon, fervent admirateur de l’Abbé Gautier, décida à son tour, d’acheter, sur ses deniers propres, des terrains attenant à l’hospice pour l’agrandir et augmenter sa capacité d’accueil. Son objectif était de pouvoir accueillir « tous les mendiants de la ville ».

Quand le nouvel hospice, appelé Hôpital de la Charité, fut achevé, en 1718, il permettait d’accueillir, plus de 300 personnes et grâce à l’héritage laissé par Mgr Bonnin de Chalucet, décédé avant la fin des travaux, l’hospice a pu fonctionner en autarcie jusqu’à la Révolution.

En 1854, l’Hôpital de la Charité sera de nouveau agrandi, modernisé et adapté à la croissance démographique de Toulon. Il sera renommé l’Hôtel Dieu puis, plus tard, l’hôpital Chalucet.

L’hôpital Chalucet restera en fonction jusqu’en 2011, date à laquelle l’ouverture de l’Hôpital Sainte Musse permettra le regroupement des services toulonnais de notre Centre Hospitalier Intercommunal sur un seul et même site et la fermeture de bâtiments devenus inadaptés à la médecine moderne et aux besoins de notre territoire.

C’est ainsi qu’est née l’opportunité de créer, en plein cœur de ville, le quartier de la Créativité et de la Connaissance, avec sa médiathèque, l’une des plus belles et plus importantes de la région, ses écoles supérieures nationales et internationales, ses logements, son jardin Alexandre 1er agrandi et réinventé…

Maintenant qu’il vit, et que les Toulonnais se sont approprié l’endroit, chacun peut d’ailleurs en apprécier le calme et la sérénité, à tout moment de la journée.

Et c’est justement ce calme, cette sérénité que j’ai ressentis la première fois que j’ai visité le chantier de l’hôpital désaffecté. Mon ami le diacre Gilles Rebêche m’avait demandé de l’accompagner sur site, au milieu des palissades, et en sortant de la chapelle, face au jardin, je lui ai dit : « Gilles, la grande Médiathèque dont la ville a besoin, c’est là qu’il faut la faire. »

Et ce besoin était bien réel puisqu’aujourd’hui, ce sont plus de 535 000 ouvrages qui sont empruntés, chaque année, dans notre médiathèque de Chalucet qui accueille à elle seule 250 000 visiteurs par an.

L’ancrage historique de ce nouveau quartier Chalucet, son axe central, c’est bien entendu la chapelle qui, pendant 4 siècles, a ouvert ses portes à toutes les détresses pour que chacun y trouve un peu de réconfort.

Et même si cette chapelle est aujourd’hui désacralisée, elle n’en reste pas moins le témoin de tant de douleur et tant d’espoir qu’il était inconcevable de la détruire. Au contraire, il était indispensable de l’intégrer au projet et d’en faire un lieu d’accueil, pour que les Toulonnaises et les Toulonnais continuent à la fréquenter.

C’est ainsi qu’elle est devenue la magnifique salle d’expositions dans laquelle nous sommes rassemblés aujourd’hui, désormais dédiée à l’art et à la beauté. Comme je vous l’ai dit, j’aime cet endroit. Il m’apaise. Il m’apaise comme m’apaisait la compagnie de Sœur André.

J’allais la voir régulièrement et, au fil des années, une amitié sincère s’était tissée entre nous. J’appréciais sa vivacité d’esprit et sa franchise. Mais j’étais surtout ému par sa générosité, sa grandeur d’âme, sa bonté.

Elle n’a pas eu l’occasion de visiter le Chalucet d’aujourd’hui, mais je suis certain qu’elle aurait aimé ce lieu. Elle qui aimait les enfants, la jeunesse, elle qui aimait instruire, enseigner, elle se serait sentie ici dans son élément.

Les dernières années de sa vie, elle disait souvent que cela l’attristait de ne plus pouvoir aider les autres. Elle priait beaucoup mais elle savait également profiter des quelques plaisirs simples qui lui étaient chers : un petit carré de chocolat, un verre de porto, et les promenades, dans le jardin de son EHPAD Sainte Catherine Labouré.

Les équipes de sa résidence prenaient grand soin d’elle, et notamment le fidèle David Tavella, qui veillait sur elle au quotidien, et qui l’emmenait régulièrement dans le jardin de son Ehpad en fauteuil roulant, pour qu’elle sente la caresse de la brise sur son visage.

Elle aimait ces moments-là et c’est la raison pour laquelle je suis certain que la vue que l’on a sur le jardin Alexandre 1er, en sortant de la Chapelle, l’aurait enchantée.

Lucile Randon, sœur André, était née le 11 février 1904 à Alès. Après avoir consacrée la première partie de sa vie à l’éducation de jeunes enfants dans des familles fortunées, elle a prononcé ses vœux en 1944.

Elle avait 40 ans lorsqu’elle a pris le voile pour devenir sœur André, (sans « e » final en hommage à son frère aîné André). Dès lors, elle s’est consacrée, en milieu hospitalier, aux enfants, aux orphelins, aux personnes âgées, à tous ceux qui souffraient.

Elle avait 75 ans lorsqu’elle a pris sa retraite. Dans la maison de retraite où elle est restée 30 ans en Savoie, elle a continué à accompagner et soutenir ses co-résidants les plus fragiles, promenant l’un, faisant la lecture à l’autre, priant avec tous ceux qui le souhaitaient.

Elle avait 105 ans, lorsqu’elle est arrivée à Toulon. Elle n’a jamais cessé de s’intéresser à l’actualité, à l’évolution de notre planète.

Elle qui a connu 18 présidents de la République française, elle avait un regard sur notre époque à la fois inquiet et bienveillant. La guerre en Ukraine, ces derniers mois, la préoccupait beaucoup et lui faisait certainement revivre des moments très durs, qu’elle a connus durant les deux guerres mondiales qu’elle a traversées.

En octobre 2017, elle était devenue Doyenne des Français, puis Doyenne des Européens 2 ans plus tard en juin 2019, quelques semaines après avoir été faite Citoyenne d’Honneur de notre Ville de Toulon à l’occasion de son 115ème anniversaire.

En avril 2022, elle était enfin devenue la Doyenne de l’Humanité, après la disparition de la japonaise Kane Tanaka et après avoir surmonté deux covids, donnant là encore un exemple de courage et de combativité.

Sœur André nous a quitté le 17 janvier 2023 à l’âge de 118 ans et 341 jours, dans son sommeil. Elle est partie en paix, heureuse d’être enfin rappelée par celui auquel elle avait voué sa vie. Elle disait souvent « le bon Dieu m’a oubliée ». Non, il ne l’avait pas oubliée. Au contraire, il lui réservait certainement une très belle place à ses côtés.

Et de cette place au paradis, elle va surement continuer à veiller sur notre bonne ville de Toulon, ville à laquelle elle s’était profondément attachée. Elle va continuer à nous inspirer la sagesse, l’amour et le respect des autres.

Elle va continuer à veiller sur tous les jeunes qui viennent s’instruire à Chalucet, sur tous les Toulonnais qui viennent visiter cette salle d’exposition, ancienne chapelle qui porte désormais son nom. Après avoir été doyenne de l’humanité, Sœur André sera à jamais la doyenne de nos cœurs.

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